Don Quichotte de Miguel de Cervantès

Voyages Littéraires
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Don Quichotte de Miguel de Cervantès
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Nous sommes en Espagne, dans chaleur assommante du désert de Castille. Ici et là, quelques moulins à vent dans l’air vibrant comme un mirage…
Nous partons sans autre but que chercher l’aventure, en compagnie de l’ingénieux hidalgo Don Quichotte de la Mancha et de son écuyer, Sancho Panza.


Citations


Qui est Miguel de Cervantès ? 

Lorsque Cervantès publie son roman, il a 57 ans. 
Il a vécu une vie qui aurait pu être celle d’un héros de roman : 
Bercé par ses rêves de gloire militaire, Cervantès combat vaillamment à la célèbre bataille de Lépante. Il y reçoit 3 coups d’arquebuse dont un lui fait perdre l’usage de sa main gauche.  

De retour par la mer, sa galère est prise d’assaut par les pirates et il est emmené au marché aux esclaves. Prisonnier à Alger, il organise tour à tour 4 évasions ; toutes échouent à cause de la traitrise de ses complices.  

Racheté en 1580, Cervantès rejoint finalement sa famille et se met à écrire. Mais il n’en vit pas, et sa famille est plutôt misérable.  
Il devient alors commissaire aux vivres puis collecteur d’impôts dans la région de Grenade. Difficile mission, qui lui fera connaître à nouveau la prison… A-t-il vraiment détourné l’argent ? nous n’en saurons rien…  

Ses dix dernières années auront sans doute contribué à faire de son Don Quichotte un roman de maturité : Cervantès porte sur le monde un regard ironique et néanmoins compatissant, sa lucidité est cruelle et tendre à la fois. On sent en lui une sorte de sagesse désabusée et bienveillante. 

Cervantès terminera sa vie dans une grande pauvreté, pour ne pas dire dans la misère.  


Don Quichotte et les artistes

1867 – Honoré-Daumier
1868 – Gustave-Doré
1955 – Pablo-Picasso
1957 – Salvador-Dali
1989 – Octavio-Ocampo

Les deux Don Quichotte

En 1605, après l’immense succès de son roman d’aventure L’ingénieux hidalgo Don Quichotte de la Mancha, un auteur inconnu s’empare du personnage pour écrire une suite apocryphe. 

En 1615, Cervantès, sans doute passablement agacé, reprend la plume et publie une suite à son propre roman. Il a l’intention de redorer l’image caricaturale qu’en a fait son faussaire anonyme.  

Il imagine alors que le récit de ces aventures a eu un tel succès auprès des contemporains de Don Quichotte que ce sont eux qui réclament une suite. Flatté, Don Quichotte se met en tête d’aller à la rencontre de ses admirateurs. Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’il s’agit d’un stratagème de son voisin Sanson Carrasco pour le guérir de sa folie.  

Cette mise en abîme est une trouvaille magistrale pour interroger à nouveau les relations entre l’imaginaire et le réel : 

  • Dans la première partie, c’est Don Quichotte qui invente son propre monde ; 
  • Dans la seconde, ce sont les autres qui mettent en scène le monde pour l’ajuster à ses exploits, afin de le piéger. 

Don Quichotte et les cinéastes

Nombre de cinéastes ont cherché à mettre en images Don Quichotte. Pour certains, ce projet a pris l’allure d’une épopée.

Parmi eux, le grand Orson Welles.

Il entreprend de produire et réaliser son film en 1955. Le tournage commence mais le budget est serré : Il entreprend un film muet, en noir et blanc, sans script et sans scénario, avec une caméra portable. Welles tourne son film par petits bouts, au fur et à mesure que les moyens le permettent. On dit que Don Quichotte a été son obsession pendant plus de vingt ans.
Il tente plusieurs montages mais ne parvient pas à donner une forme satisfaisante à son film. Pour autant, il ne se résigne pas. Perdu au milieu de ses kilomètres d’images, il prend le parti de la souplesse, piuisque rien n’est prédéfini par un scenario.

Lorsqu’il meurt en 1985, le film est inachevé. Les images qui nous parviennent sont étranges, insolites, cocasses… Nos deux héros finissent par se perdre dans une ville moderne, c’est dire ! 
Une version posthume du film sort en salle en 1992. Le montage est alors confié à Jesus Franco. 

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L’autre cinéaste en prise avec la réalité de Don Quichotte n’est pas moins tenace : il s’agit de Terry Gilliam.

Réaliser Don Quichotte est le rêve de sa vie. Il réussit à rassembler un budget de plus de 20 millions de dollars! Les acteurs sont prestigieux : Jean Rochefort, Johnny Deep, Vanessa Paradis… Le tournage commence en 2000 -et très vite tourne au tragi-comique :

Premier jour, des avions militaires survolent le lieu du tournage et rendent la prise de son impossible. Deuxième jour : un improbable orage éclate dans le désert espagnol, des pluies diluviennes s’abattent sur le paysage désertique, endommagent le matériel et… verdissent le paysage! S’ensuit pour Jean Rochefort une crise aiguë de hernie discale l’empêchant de monter à cheval… un Don Quichotte à pied ? Difficile à envisager!

D’incroyables adversités s’accumulent. Elles sont détaillées dans un documentaire intitulé Lost in La Mancha, réalisé par Keith Fulton et Louis Pepe et sorti en 2002. On y comprend pourquoi Terry Gilliam capitule pour cette fois.  

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Mais il n’abandonne pas ! Il montera un nouveau projet de film en 2008 -qui échouera aussi ; un autre en 2011, puis en 2014…  

En 2019 enfin, le film sort en salle. « L’homme qui tua Don Quichotte » suscite les controverses. Délirant et excessif pour certains, il est pour d’autres à l’image de l’œuvre originale de Cervantès : Baroque et fou, drôle et grave, toujours ambigu. En un mot, Terry Gilliam place son spectateur dans la même posture que Cervantès place son lecteur : à cheval entre deux mondes.

« J’ai vraiment été touché par Don Quichotte à la cinquantaine.  
Il en est là, c’est sa dernière chance de mettre le monde à la hauteur de ses rêves. »

Terry Gilliam, extrait de Lost in la Mancha 

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Impressions de lecture : un prologue d’exception

Le prologue est l’une des entrées en matière les plus réussies que je connaisse !  

« Que pouvait produire ma pauvre cervelle stérile et mal cultivée sinon l’histoire d’un homme sec, rabougri, fantasque, plein d’étranges idées que nul autre n’avait eues avant lui – comme peut l’être ce qui a été engendré dans une prison, séjour des plus incommodes, où tout triste bruit a sa demeure. »

Ce court extrait résume déjà tout l’esprit baroque qui anime Cervantès : des idées étranges enfermées dans la tête d’un personnage sec et rabougri, lui-même enfermé dans la tête d’une cervelle stérile et mal cultivée, elle-même comme enfermée dans une prison. Quelle admirable mise en abîme !

Cervantès évoque les tristes bruits qui peuplent les prisons : des grattements de rats, des grincements de portes, des claquements de loquets, des gémissements… une sorte de triste ramassis de sons informes surgissant du vide.
C’est de ce sombre chaos qu’aurait émergé ce livre de peu, ce livre décadent et sans importance aux dires de son auteur, un livre qui ne ressemble en rien à ce qu’on appelle un livre en ce temps-là.

Cervantès s’excuse presque d’avoir écrit cet ouvrage atypique. Il se refuse à être appelé auteur. « Je ne suis que le paraître de don Quichotte, et non le père, comme on pourrait le croire », dit-il. La différence est subtile, mais elle est révélatrice d’une conception particulière du statut d’auteur : écrire n’est pas une création. C’est un reflet, une transposition de l’auteur, une image comme apparue derrière un miroir.

Cervantès se considère comme un imposteur dans le monde des auteurs de son temps… Il s’excuse, se confie… Mais sous couvert de réclamer notre indulgence, ne serait-il pas en train de dénoncer les bienséances d’usage à l’époque? Ses simagrées ne sont-elles pas une façon détournée d‘imposer une écriture  nouvelle, libérée, loin des conventions?

Fausse modestie, Cervantès ? On est en droit de se poser cette question, notamment lorsqu‘il fait intervenir dans le prologue un personnage qui lui suggère de s’en tenir tout de même aux convenances et lui suggére différents stratagèmes mensongers. Encore une façon bien baroque de mettre en scène la fourberie des milieux littéraires de ce temps. Le procédé est d’autant plus baroque que Cervantès s’en tient aux conseils de ce prétendu ami! Lorsque Cervantès parle à la première personne, est-ce donc vraiment lui ou bien est-ce déjà un personnage qui le représente ?
Les recommandations malhonnêtes qu’il prend au mot achèvent de nous convaincre sur les intentions de Cervantès, beaucoup moins innocentes qu’elles n’y paraissent. On ne sait plus où est le vrai.
Quoi de plus efficace pour inviter le lecteur de l’époque à mettre en doute le crédit qu’il accorde aux écrits.

Le tour est joué, on peut en sourire… Cervantès nous a bel et bien pris au tourbillon de ses questionnements sur la vanité des règles, sur la réalité et l’illusion…
Les thèmatiques sont posées avec brio.
Le ton sera celui de l’humour.
Notre vigilance est appelée à repérer plusieurs degrés de lecture.
Tout est annoncé : la forme, le contenu, et tout ce qu’on pourra trouver entre les lignes. Quelle efficacité ! Ce prologue est l’une des entrées en matière les plus réussies que je connaisse !

Voici (entre autres) quelques conseils donnés à Cervantès par son soi-disant ami. N’oublions pas que c’est Cervantès lui-même qui tient la plume. Encore une façon masquée pour lui d’exposer sa propre disposition en tant qu’auteur  :

«  Tachez qu’en lisant votre histoire, le lecteur mélancolique ne puisse s’empêcher de rire, ni le rieur de s’esclaffer, que l’homme simple ne s’ennuie pas, que l’homme d’esprit en admire l’ingéniosité (…)  »


Musiques qui accompagnent notre podcast

La serena, œuvre anonyme du XVème siècle 
Asturias de Isaac Albeniz 
So de Juan Carmona 
L’homme de la Mancha de Dale Wasserman, par Jacques Brel 
Conte de l’incroyable Amour de Anouar Brahem 
Amado mio de Pink Martini 
Cepa Andaluza de Paco de Lucia 
Rovave sa rovave de Titi Robin et Maria Robin 
La traversée d’Armand Amar 

Le générique de notre podcast est extrait du titre L’instant magique d’Alex Pardossi