Le baron perché d’Italo Calvino

Voyages Littéraires
Voyages Littéraires
Le baron perché d’Italo Calvino
Loading
/

Bande annonce

Quel enfant n’a jamais rêvé de vivre dans les arbres ? 
Italo Calvino nous propose un voyage dans les arbres. Une aventure excitante et folle comme seuls les enfants savent en imaginer. 
Nous en avons tous rêvé. Le héros de ce livre l’a fait ! 


Citations


Un peu d’histoire

Nous sommes en 1767, Louis XVI vient d’accéder au trône. A cette époque, le nord de l’Italie fait encore partie du royaume de France. Nous sommes dans la petite ville imaginaire d’Ombreuse, en bordure de Méditerranée. Les arbres sont si nombreux encore en ce temps-là qu’on pourrait parcourir toute la côte depuis l’Espagne jusqu’aux confins de l’Italie en sautant de branche en branche. 

Pendant que sur sa côte de verdure et d’azur, notre cher baron rêve d’être duc et que la baronne brode des cartes de stratèges, là-haut à Paris, la révolution met fin au règne de Louis XVI et voit les deux Napoléon redessiner les frontières du pays à coups de petits arrangements entre monarques ! 

En 1858, favorable à l’unité de l’Italie, Napoléon III promet sa protection militaire face à l’envahissante Autriche en échange des territoires de la Savoie et du comté de Nice. En 1860, après un plebiscite (un peu douteux…) ces régions deviennent départements français. 

Notons que le massif du Mercantour, pourtant partie intégrante du Comté de Nice restera pour un temps rattaché au Piémont : Napoléon ne voudrait pas priver son ami le roi Victor-Emmanuel de son terrain de chasse préféré ! Ce n’est qu’en 1947 que ce territoire retrouvera finalement son unité d’origine et deviendra, lui aussi, français.


Humour

Savez-vous pourquoi Baptiste, la sœur de Côme est déguisée en bonne sœur ? 
Voici en bonus un extrait du roman (p. 18 sq.) 

Quant à notre sœur, au fond, elle nous ressemblait. Elle aussi, bien que son isolement lui eût été imposé par notre père après l’histoire du marquis de la Pomme, avait toujours été une âme rebelle et solitaire. Ce qui s’était passé avec le jeune marquis, on ne l’a jamais bien su. Nous ne parvînmes jamais à nous représenter ce navet semé de taches de rousseur comme un séducteur, et surtout comme le séducteur de notre sœur. Elle était beaucoup plus forte que lui et resta fameuse pour avoir fait victorieusement le bras de fer avec les palefreniers.  

Puis pourquoi fut-ce lui qu’on entendit crier ? Comment se fit-il que les domestiques, accourus en même temps que mon père, le trouvèrent en loques, sa culotte lacérée comme par les griffes d’un tigre ? Les de la Pomme ne voulurent jamais admettre que leur fils eût attenté à l’honneur de Baptiste, ni consentir à un mariage. C’est ainsi que notre sœur fut enterrée chez nous, et vêtue en religieuse, sans avoir même prononcé les vœux du tiers ordre, étant donné le caractère douteux de sa vocation. 

C’est en matière de cuisine que sa rancœur se donnait surtout libre cours. Elle ne manquait ni de soin, ni d’esprit d’invention, qui sont les premières qualités d’une cuisinière. Mais on ne savait jamais quelles surprises pouvaient bien nous attendre à table dès qu’elle décidait de mettre la main à la pâte. 

Extrait du roman Le baron perché, d’Italo calvino
Illustration Marie Michaux

Les plats préparés par Baptiste étaient de la très fine orfèvrerie animale ou végétale. 


L’arbre en poche, anagramme du Baron perché

C’est le titre d’un album musical imaginé et réalisé par l’inventive Claire Diterzi. 
Quelques-uns de ses titres habillent notre podcast. Voici le trailer de l’album 

Les titres des albums de Claire Diterzi choisis pour notre podcast figurent dans la liste en bas de page. 


Un conte philosophique

Côme traverse le siècle des lumières, il vit des aventures inouïes, des rencontres insolites, des amours tumultueuses. Du haut de ses frondaisons, loin des conventions et des bienséances, avec un recul que ne permet pas la terre ferme, Côme devient célèbre pour son entêtement et ses idéaux. Il rencontre des bandits, des pirates, des Jésuites, et même Napoléon ! Il parle Français, Arabe, Espagnol, au gré de tous ceux qui passent par là… Puisque Côme ne va pas de par le monde, c’est le monde qui vient à lui !

La part philosophique provient également d’une mise en abyme de l’histoire : le narrateur, petit frère de Côme, porte-parole de son frère, mais aussi de l’auteur, nous déstabilise en fin de roman, laissant planer un doute sur la vérité de son récit. Italo Calvino semble s’incarner à travers lui, et finit son ouvrage par des considérations poétiques sur le travail d’écriture. Témoignage ou conte… après tout, qu’importe ?

Illustration Marie Michaux

Sans déflorer la fin de l’histoire, je ne résiste pas au plaisir de vous proposer ici la lecture de la toute dernière page du roman (p. 394) :  

Ombreuse n’existe plus. Quand je regarde le ciel vide, je me demande si elle a vraiment existé. Ces découpes de branches et de feuilles, ces bifurcations ; ce ciel dont on ne voyait que des éclaboussures ou des pans irréguliers ; tout cela existait peut-être seulement pour que mon frère y circulât de son léger pas d’écureuil. C’était une broderie faite sur du néant, comme ce filet d’encre que je viens de laisser couler, page après page, bourré de ratures, de renvois, de pâtés nerveux, de taches, de lacunes, ce filet qui parfois égrène de gros pépins clairs, parfois se resserre en signes minuscules, en semis fins comme des points, tantôt revient sur lui-même, tantôt bifurque, tantôt assemble des grumeaux de phrase sur lit de feuille ou de nuages, qui achoppe, qui recommence aussitôt à s’entortiller et court, court, se déroule, pour envelopper une dernière grappe insensée de mots, d’idées de rêves — et c’est fini. Février 1957.

Extrait du Baron perché, d’Italo Calvino

Les musiques qui accompagnent le podcast

Bande annonce :
Tableau de chasse de Claire Diterzi 

Podcast :
Le printemps d’Antonio Vivaldi 
Welcome to the Addams Family, reprise de la bande originale par Jeff Danna (2019) 
Stabat mater dolorosa de Claire Diterzi, extrait de L’arbre en poche 
Tuko bina damu de Claire Diterzi, extrait de L’arbre en poche 

Le générique est extrait du titre L’instant magique d’Alex Pardossi


Éditions et traductions

Les extraits du roman que nous citons proviennent de l’édition de poche Gallimard Folio 2002.
Le titre original italien « Il barone rampante » est publié en 1957 aux éditions Einaudi.
La présente traduction de l’italien est de Juliette Bertrand, pour les éditions du Seuil en 1960, révisée par Mario Fusco en 2001.