La Belle au bois dormant (1), de Charles Perrault

Raconte-moi les contes
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La Belle au bois dormant (1), de Charles Perrault
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Écoutez la suite de l’histoire : La Belle au bois dormant (2)


Bande-annonce

Imaginez une ravissante princesse endormie. Son prince l’embrasse et… Vous connaissez la suite? 
Eh bien détrompez-vous! L’histoire ne se termine pas par le mariage. Je dirais même qu‘elle ne fait que commencer alors. 


Citations


Les premières versions écrites

Giambattista Basile : « Le Soleil, la Lune et Thalia » ( 1635)

La Belle endormie prénommée Thalia est littéralement violée par un roi durant son sommeil. Neuf mois plus tard naissent des jumeaux : Soleil et Lune. Thalia toujours inconsciente alors sera tirée de son sommeil lorsque les bébés qui ne trouvent pas le sein sucent son doigt si fort que l’écharde responsable de l’enchantement est retirée. Thalia se réveille. Mère et adultère. Le roi ne se souviendra d’elle que longtemps plus tard, et ne soutiendra pas vraiment lorsque la reine sa femme légitime cherchera à la faire brûler au bûcher. Pauvre condition féminine… Nous sommes bien loin du valeureux prince amoureux qui fait rêver les petites filles ! 

Charles Perrault ( 1697)

Nulle part le prince n’est apparenté à un agresseur. La prophétie de la fée, autant que la mémoire du paysan préparent le prince à accomplir sa destinée. Les ronces s’écartent à son passage, le palais est grand ouvert pour lui… Et lorsqu’il découvre la Belle, notons qu’il ne l’embrasse pas, mais qu’il s’agenouille devant elle au moment même où les cent ans d’enchantement s’achèvent. Certes, le prince est parfait… Mais quelle synchronicité ! 
La seconde partie du conte est centrée sur l’opposition entre la Belle et sa belle-mère. À noter que la Belle sera sauvée par le prince, mais encore une fois, cela ne sera pas dû à son audace ou son combat, mais à une incroyable synchronicité. 

Les frères Grimm ( 1812)

La version Allemande désacralise un peu l’image de la femme. Le prince face à la Belle endormie ne résiste pas : il l’embrasse sans son consentement. Audace, indélicatesse ou agression, l’interprétation est ouverte. Pas de prophétie ici, pas de destinée. Le prince a eu la chance d’arriver après la fatidique période de cent ans. Il a trouvé la Belle jolie et cela lui a semblé suffire pour décider de l’embrasser pour assouvir son propre désir. Les frères Grimm ne s’étendent pas : c’est dans cette version du conte que tout se termine expédié par un mariage !


Charles Perrault et l’humour

« Est-ce vous, mon prince ? Vous vous êtes bien fait attendre ! » 
 
(…) 
 
Il était plus embarrassé qu’elle, et l’on ne doit pas s’en étonner : elle avait eu le temps de songer à ce qu’elle aurait à lui dire. 
 
(…) 
 
Après souper, sans perdre de temps, le grand aumônier les maria dans la chapelle du château, et la dame d’honneur leur tira le rideau. Ils dormirent peu. La princesse n’en avait pas grand besoin !  


Charles Perrault n’aime pas faire la morale !

La tradition veut qu’à la fin d’un conte l’on écoute « la morale de l’histoire ». Deux moralités sont proposées pour ce conte. Voici la première, dont la bienséance fait bien rire Charles Perrault !

Attendre quelque temps pour avoir un époux
riche, bien fait, galant et doux,
la chose est assez naturelle.
Mais l’attendre cent ans et toujours en dormant,
on ne trouve plus de femelle qui dormît si tranquillement!

Attendre, attendre… Charles Perrault est bien conscient que la patience a ses limites… et que le „femelles“ comme il les appelle, n’attendent pas vraiment en dormant! Il prend donc le soin de compléter cette première moralité par une seconde :

La Fable semble encor vouloir nous faire entendre
que souvent de l’hymen les agréables noeuds, pour être différés, n’en sont pas moins heureux
Et qu’on ne perd rien pour attendre.
Mais le sexe avec tant d’ardeur aspire à la foi conjugale que je n’ai pas la force ni le coeur de lui prêcher cette morale.

Voilà un bien piètre moraliste ! Charles de Perrault énonce en bon élève les leçons à tirer de cette histoire, mais il est bien conscient que la vie n’est pas toujours en phase avec les grandes idées.


Illustrations à travers les âges

Gustave Doré (France) 1832-1883
Walt Disney (États-Unis) Esquisse pour le château dans le parc Disney, 1987
Walter Crane (Angleterre) 1845-1915
Viviane Riberaigua (France) The sleeping beauty, 2008
Kay Nielsen (Danemark) 1886-1957
Chiharu Shiota (Japon) Sleeping is like death, 2016

L’analyse d’un psy

« Si nous sommes insensibles au monde, le monde cesse d’exister pour nous. Quand l’héroïne s’endort, le monde, pour elle, s’endort aussi ; et il ne se réveille que quand un enfant est nourri en lui : ce n’est que de cette façon que l’humanité peut continuer d’exister. » 

Bruno Bettelheim, Psychanalyse des contes de fées, 1976 

Musique originale

Victor Grondin a tout spécialement composé et interprété les musiques de notre émission.  

La princesse endormie :

Intermède au clavecin :